- songe
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• sunge v. 1155; lat. somnium1 ♦ Vx ou littér. Rêve. « c'est notre nature sincère qui s'exprime dans les songes » (Alain). Le songe d'Athalie. — La clé des songes : système d'interprétation traditionnel des rêves. — En songe : en rêve. « Ne l'ai-je pas vu en songe vous frappant ? » (Jarry). Songes prophétiques. ⇒ oniromancie. PROV. Songe, mensonge.♢ Par compar. Fiction, illusion. « La vie n'est elle-même qu'un songe [...] dont nous nous éveillons à la mort » (Pascal). S'évanouir comme un songe.2 ♦ Vieilli ou littér. Rêve, construction de l'imagination à l'état de veille. ⇒ chimère, fantasme, illusion, imagination. Ici a commencé « l'épanchement du songe dans la vie réelle » (Nerval).⊗ CONTR. Réalité.Synonymes :- rêveVues de l'esprit, chimères, illusions, vaines imaginations.Synonymes :- chimère- fantôme- illusion- miragesonje ou songen. f. (Madag., Réunion) Plante (Fam. aracées) cultivée pour son tubercule, dont on consomme aussi les feuilles et la tige en légumes. Syn. taro.|| (Réunion) Tubercule de cette plante.————————songen. m. (et f.)d1./d n. m. Litt. Rêve, association d'idées et d'images qui se forment pendant le sommeil.— En songe: en rêve.d2./d n. m. Litt. Chimère, illusion; produit de l'imagination pendant l'état de veille. "La vie est un songe", pièce de Calderón.d3./d n. f. (Madag., Réunion) V. sonje.⇒SONGE, subst. masc.A. — 1. Littér. Rêve. Songe charmant, extraordinaire, romanesque; doux songe; songe funeste, horrible, terrible; apparaître, voir en songe; s'éveiller, sortir d'un songe. Un songe, un songe affreux cette nuit m'a frappé: Je t'ai vu d'ennemis partout enveloppé (CONSTANT, Wallstein, 1809, II, 1, p. 44). V. divination ex. 1, interpréter II B 1 ex. de Comte:• 1. ... le songe nocturne rejoint le rêve métaphysique: même dans notre existence actuelle, la simple vie onirique est encore une image, ou une analogie, du grand rêve éternel (...): il en est une survivance, la présence réelle, tout au fond de nous, dans le cœur, de l'unité primordiale.BÉGUIN, Âme romant., 1939, p. 97.a) En partic.— Rêve porteur d'un avertissement, d'un message important. Songe d'Athalie, d'Énée, de Joseph, de Pharaon; songe prophétique. Il vit un ange qui traversait les airs (...). Ce songe parut à Grégoire une révélation de l'avenir bien autrement digne de foi que les réponses et tous les prestiges des devins (THIERRY, Récits mérov., t. 2, 1840, p. 100). Si j'avais à baptiser le songe de Scipion, je l'appellerais l'extase de la conscience humaine (GONCOURT, Ch. Demailly, 1860, p. 172).— Songe (d'incubation), songe (thérapeutique). Dans l'Antiquité, songe au cours duquel le dieu apparaissait à son fidèle, notamment pour lui apporter la guérison. Ce sont des gens qui vont à Canope dormir sur le temple de Sérapis pour avoir des songes (FLAUB., Tentation, 1874, p. 16). Dans l'antiquité, pour obtenir un songe thérapeutique, dit d'incubation, il fallait faire un pèlerinage, jeûner, prier, offrir un sacrifice, dormir dans le temple (M.-A. DESCAMPS, La Maîtrise des rêves, 1983, p. 198).b) Loc. nom. Le pays, le royaume du/des songe(s) (poét.). Le sommeil. Annalena (...) tout près et cependant si loin, si loin! Égarée au pays du songe (...) terrible est le visage du sommeil! (MILOSZ, Amour. init., 1910, p. 122). Songe(s) de malade. Délire. Ce n'était pas des songes de malade; c'était une vue claire de la réalité, qui illuminait alors ce cerveau (FRANCE, Dieux ont soif, 1912, p. 197). Clef des songes. V. clef III C 4.c) Loc. adj. De songe. Qui rappelle un songe par sa beauté, son charme, son climat émotionnel.— [À propos d'une pers. ou d'un sentiment] Amour, enfant, femme de songe. Riche comme un roi, beau comme un dieu, répéta inconsciemment Angélique de sa voix de songe (ZOLA, Rêve, 1888, p. 48). Anton est partagé entre l'angélique Suzanne et une créature de songe, qui prend tantôt l'apparence de Suzanne elle-même, tantôt celle d'autres femmes (BÉGUIN, Âme romant., 1939, p. 264).— [À propos d'un inanimé] Éclairage, paysage, peinture, ville de songe. Quand je rêve, j'évoque des roses passés (...) des bleus de douceur et de songe (L. DAUDET, Voyage Shakesp., 1896, p. 171). Une clarté de songe flottait encore au ras des pelouses, tandis que, dans les lointains bleuâtres, les grands arbres s'évanouissaient, en visions tremblantes et légères (ZOLA, Travail, t. 2, 1901, p. 232).d) Proverbes. Tous songes sont mensonges (Ac. 1835, 1878). Songe mensonge (Ac. 1935). Les songes ne sont pas que mensonges. L'Utopie [de Thomas More] (...) est plutôt un beau songe. Or les songes ne sont pas que mensonges, mais renferment un noyau de vérité (W. NIGG, Thomas More ou la conscience d'un saint, Paris, éd. du Centurion, 1979, p. 31). Mal passé n'est qu'un songe. Qu'il vous suffise que j'en ai été quitte pour la peur. Mal passé n'est qu'un songe (DUSAULX, Voy. Barège, t. 2, 1796, p. 185).2. PSYCHOL. Clef des songes. V. clef III C 4.3. MYTHOL. Les Songes. Petits génies par lesquels la divinité communique aux hommes sa pensée. Les Songes étaient fils du sommeil (Ac. 1878, 1935).B. — P. compar. ou anal. Illusion, leurre, fiction.1. [À propos d'un inanimé] La vie n'est qu'un songe. Être le jouet d'un songe. C'est vous qui dites cela! vous, madame, juste ciel! Est-ce un songe? une illusion! m'auriez-vous compris? répondriez-vous à ma pensée? (LECLERCQ, Mme Sorbet, 1835, 6, p. 154):• 2. ... une femme à qui, même si nous savions que nous sommes indifférents, nous avons perpétuellement fait tenir dans nos rêveries, pour nous bercer d'un beau songe ou nous consoler d'un gros chagrin, les mêmes propos que si elle nous aimait...PROUST, J. filles en fleurs, 1918, p. 586.2. Rare. [À propos d'un animé] Je suis un revenant. Les autres me paraissent des songes, et je suis un songe aux autres (BOURGET, Nouv. Essais psychol., 1885, p. 301).C. — Rêverie à laquelle on se laisse aller à l'état de veille, construction de l'imagination. Être abîmé, plongé dans un songe. Tu insistes gentiment pour m'avoir à Bruxelles. J'y aspire comme toi, comme vous. Être réunis, c'est un songe (HUGO, Corresp., 1866, p. 525). [Ce caporal] nous dérangeait dans notre songe, quand nous faisions gravement les cent pas de la Grande Ourse au Sagittaire (SAINT-EXUP., Terre hommes, 1939, p. 152).Prononc. et Orth.:[
]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1155 « rêve » (WACE, Brut, éd. I. Arnold, 696); 2. 1204-06 « fiction, illusion » tenir a fable et a songe (GUIOT DE PROVINS, Bible, 1992 ds Œuvres, éd. J. Orr, p. 72); mil. XIIIe s. (Du Prestre et du chevalier ds Rec. gén. fabliaux, éd. A. de Montaiglon et G. Raynaud, t. 2, p. 83: Tout li semble que che soit soingne); 3. 1580 « construction de l'imagination à l'état de veille » (MONTAIGNE, Essais, II, 12, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, p. 523); 1588 (ID., op. cit., III, 3, p. 828: tantost je resve, tantost j'enregistre et dicte, en me promenant, mes songes que voicy); 4. 1699 myth. antique au plur. (FÉNELON, Télémaque, éd. A. Cahen, VIII, t. 1, p. 353, 139). Du lat. somnium « songe, rêve; chimère, extravagance; les Songes [Somnia] pluriel personnifié ». Fréq. abs. littér.:3 027. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 4 345, b) 3 937; XXe s.: a) 4 290, b) 4 475. Bbg. GOUG. Mots t. 1 1962, pp. 140-144. — SCHALK (F.) Somnium und verwandte Wörter in den romanischen Sprachen. Köln, 1955, 42p. — SPITZER (L.). (En) soñar un sueño. Vox rom. 1936, t. 1, pp. 51-53; p. 56.
songe [sɔ̃ʒ] n. m.ÉTYM. V. 1155, sunge; lat. somnium.❖1 Vx ou spécialt. Rêve. ⇒ Rêve (1., REM. ) — Faire un songe (→ Concordance, cit. 2). || Le sommeil et les songes (→ Dissoudre, cit. 4; inconnu, cit. 22). ☑ Le pays des songes : le sommeil, l'inconscience. || Un coup violent l'envoya au pays des songes. || Le songe et la réalité (→ Approche, cit. 21). || Songes considérés comme prophétiques, comme des avertissements (cit. 4) divins, comme susceptibles d'une interprétation (cit. 5). ⇒ Divination (cit. 2), onirocritique, oniromancie (et → Entrebâiller, cit. 5; explication, cit. 2; expliquer, cit. 6; passer, cit. 84). || Au théâtre, les songes de Darius, de Calpurnia, de Pauline, d'Athalie… ☑ Clef des songes : système d'interprétation traditionnel des rêves, de leurs images. — ☑ En songe. || Voir qqn, qqch. en songe (→ Échelle, cit. 7; frapper, cit. 17). || « Le laboureur m'a dit en songe… » (→ Semer, cit. 1).1 Je tâche en m'éveillant à rappeler les songesQue j'ai fait (sic) en dormant,Et dans le souvenir de leurs plaisants mensongesJe revois mon amant.Théophile de Viau, Pour Mademoiselle de M…2 (…) je tiens que, pour l'ordinaire, c'est notre nature sincère qui s'exprime dans les songes; et songe n'est point mensonge, sinon en ce sens qu'il représente ce qu'on voudrait, non ce qui est.Alain, Propos, 3 déc. 1921, Persuasion.♦ (Fin XVIIe). Mythol. || Les Songes, fils du Sommeil (→ Excepté, cit. 12). — ☑ Prov. Songe, mensonge.2 Par compar. Fiction, illusion. ☑ La vie n'est qu'un songe, tout n'est ici-bas que songe (→ Assimilation, cit. 2; dieu, cit. 18; erreur, cit. 18; réveil, cit. 8). || La vie est un songe, pièce de Calderon. || Le Songe d'une nuit d'été, titre français d'une comédie de Shakespeare. || S'évanouir (cit. 8) comme un songe. || Mal passé n'est qu'un songe.3 Enfin, comme on rêve souvent qu'on rêve, entassant un songe sur l'autre, la vie n'est elle-même qu'un songe, sur lequel les autres sont entés, dont nous nous éveillons à la mort.Pascal, Pensées, VII, 434.4 Rien n'est vrai, rien n'est faux; tout est songe et mensonge.Illusion du cœur qu'un vain espoir prolonge.Lamartine, Harmonies…, III, XXXI.3 (V. 1220). Vieilli ou littér. Construction de l'imagination à l'état de veille. ⇒ Chimère, illusion, imagination, fantasme, rêve. || La réalité était triste auprès (cit. 26) de mon songe. || Ce nom éveille (cit. 13) en moi des mondes de songes. || Nous poursuivons des songes (→ 1. Ombre, cit. 45), de vains songes. || Le monde mobile des songes (→ Rêverie, cit. 16). || « Je dicte (cit. 1), en me promenant, mes songes que voici » (Montaigne). — Le songe, le domaine du songe : le rêve (supra cit. 18).5 Ici a commencé pour moi ce que j'appellerai l'épanchement du songe dans la vie réelle. À dater de ce moment, tout prenait parfois un aspect double — et cela, sans que le raisonnement, manquât jamais de logique, sans que la mémoire perdit les plus légers détails de ce qui m'arrivait. Seulement, mes actions, insensées en apparence, étaient soumises à ce que l'on appelle illusion, selon la raison humaine (…)Nerval, Aurélia, I, III.6 Il faut qu'il y ait dans le poète un philosophe, et autre chose. Qui n'a pas cette quantité céleste de songe n'est qu'un philosophe.Hugo, Post-Scriptum de ma vie, Promontorium somnii, I.❖CONTR. Réalité.DÉR. Songerie.
Encyclopédie Universelle. 2012.